L'incroyable scandale des doses de vaccin périmées
Revenons quelques mois en arrière : dans la crainte de manquer de doses, plusieurs pays (riches et occidentaux) ont commandé des millions de vaccins anti-Covid, qu'ils ont stocké, en prévision d'éventuelles nouvelles vagues.
Mais un vaccin ne reste pas utilisable pendant des années. Au bout que quelques mois, il est périmé et devient inutilisable. Concrètement, ce sont presque 250 millions de doses qui ont transité dans les stocks des pays riches et qui qui sont ainsi arrivées en bout de course. Dans le détail, environ 73% de doses Pfizer et 18% de doses AstraZeneca sont concernées.
Jusque là, rien de bien scandaleux, sauf qu'on peut évidemment se poser la question de savoir si ces doses auraient pu servir à d'autres, dans les pays moins développés, où le taux de vaccination est faible. La réponse est étonnante et donne, à vrai dire, quelque peu la nausée.
Ces 250 millions de doses périmées ne sont que la partie émergée d'un gigantesque iceberg. Selon la société britannique d'analyse de données de santé Airfinity, le nombre de doses périmées et gaspillées est bien plus élevé. Pourquoi? Parce que le nombre de doses périmées et inutilisées dans les pays pauvres serait bien supérieur.
Les occidentaux, bons princes, se sont en effet massivement débarrassés de leurs vaccins excédentaires depuis octobre 2021 de l'an passé, en les cédant à des pays qui en avaient besoin. Mais ces doses ont été envoyées à ces pays juste avant leur date de péremption. Résultat : n'ayant pas eu le temps de s'organiser, les pays défavorisés n'ont rien pu en faire, sinon les jeter.
Tout cette gabegie doit être déplorée malgré les 'bons offices' de Covax, le programme international censé fournir des vaccins aux pays en développement. Rien qu'en décembre 2021, plus de cent millions de doses données à Covax ont été refusées par les bénéficiaires. Fin décembre, le Nigeria a par exemple détruit plus d'un million de doses de vaccin AstraZeneca, cédées par les pays développés, mais dont la date de péremption était proche et qui avaient expiré.
Selon Covax, principal outil logistique pour la distribution des vaccins dans les pays défavorisés, ces derniers refusent désormais de recevoir des doses dont la date de péremption est trop proche.
En décembre, "plus de cent millions de doses ont été refusées", a précisé la directrice de la Division des approvisionnements de l'Unicef, Etleva Kadilli, devant la Commission du développement du Parlement européen. "La majorité des refus avait pour motif la date de péremption", a-t-elle expliqué. Les pays du sud ont en effet besoin de doses qui peuvent être conservées assez longtemps afin de pouvoir mieux planifier et organiser les campagnes de vaccination.
En octobre et novembre 2021, 15 millions de doses données par l'Union européenne ont été refusées par les pays pauvres, dont 75% étaient des vaccins AstraZeneca dont la datede péremption - une fois les vaccins livrés - était inférieure à dix semaines.
Rappelons que 90 pays n'ont toujours pas atteint un taux de vaccination de 40%, pourtant fixé comme objectif pour fin 2021. Notons par exemple que 85% de la population africaine, soit environ un milliard de personnes, n'a toujours pas reçu la moindre dose de vaccin
L'OMS, organisation mondiale de la santé, a accusé à de multiples reprises les pays riches de s'être accaparés des vaccins et de ne donner aux pays pauvres que des vaccins à courte durée de conservation. Une "honte morale", selon elle.
(FL/Picture : Pixabay)