Sommes-nous tous menacés par la précarité énergétique ?
Le conflit en Ukraine et l'augmentation exponentielle des prix de l'énergie (gaz, électricité, essence) a fait revenir sur le devant de la scène un concept que nous sommes nombreux à ne pas vouloir regarder en face: la précarité énergétique. L'explosion de la facture énergétique a bousculé un grand nombre de familles qui doivent aujourd’hui sous-consommer pour faire des économies.
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Inspiré du travail mené par les Britanniques depuis 20 ans, le concept de précarité énergétique a émergé lentement en France, en Belgique et dans les pays voisins, ces 10 dernières années.
La précarité énergétique, c'est quoi? C'est la difficulté, ou pire l’incapacité, à pouvoir chauffer correctement son logement, et ceci à un coût acceptable.
Traduite des termes anglais "fuel poverty", la précarité énergétique, définie officiellement en France dans un texte du 12 juillet 2010, constitue une forme de "double peine" pour ceux qui en soufrent puisque ce sont les ménages les plus pauvres (environ un cinquième de la population) qui consacrent à l’énergie une part de leur budget 2,5 fois plus élevée que les 20 % les plus riches.
Une injustice souvent causée par la vétusté des logements aux performances thermiques faibles, voire exécrables. Les équipements de chauffage et de production d’eau chaude participent alors à gonfler la facture énergétique des plus pauvres.
Un phénomène marginal ? Pas du tout. 12 millions de Français souffrent de la précarité énergétique, soit 5,6 millions de ménages selon l'Observatoire national de la précarité énergétique.
En Belgique, le sixième Baromètre de la Précarité énergétique publié en mars 2020, donc bien avant la crise ukrainienne et l'explosion des tarifs, indiquait qu'en 2018, 20,8% des ménages belges (plus d'un sur cinq) étaient confrontés à la précarité énergétique. TOut indique qu'ils sont peut-être deux fois plus nombreux aujourd'hui.
Des chiffres froids qui cachent mal des difficultés énormes vécues au quotidien par ces familles. Incapables de payer leurs factures, ces ménages réduisent leur consommation, souffrent du froid, vivent dans des logements mal isolés ou mal ventilé, lesquels se dégradent plus rapidement, avec des dangers évidents pour la santé et la sécurité des habitants, sans parler de leur isolement social.
Au Royaume-Uni, les responsables politiques considèrent que ce phénomène est une bombe à retardement et que les hausses de prix de l'énergie l'hiver prochain pourraient plonger 30 à 40% des consommateurs britanniques dans la pauvreté énergétique.
"Pendant l'été, la consommation diminuera, donc les factures seront plus faciles à gérer", mais alors que de nouvelles hausses sont attendues cet automne pour les particuliers, "ça va devenir horrible, vraiment horrible", a prévenu Keith Anderson, patron de ScottishPower, devant une commission parlementaire. Une situation "sans précédent, qui nécessite une action sans précédent de la part du gouvernement", confirme Michael Lewis, directeur général de E.ON, un autre opérateur britannique.
"Au cours des derniers mois, nous avons constaté une hausse de 40% des appels de clients préoccupés par leur endettement" indique le patron de la branche d'EDF au Royaume-Uni, Simone Rossi.
Un phénomène désormais palpable, observé dans toute l'Europe.
(LpR/Picture : Kwon Junho via unsplash)