Masque et rencontre amoureuse, l'impossible duo ?
A l’heure où l’épidémie a bouleversé notre vie sociale et notre rapport à l’autre, est-il possible de tomber amoureux, masqués ? Même si les rencontres virtuelles connaissent un franc succès, la question de la proximité ne change pas. Quand pourrons-nous vivre une nouvelle histoire d’amour en « vrai », en compagnie (physique) de celle ou de celui qui a fait chavirer notre cœur sur le net ou ailleurs ?
Le 4 mai, le pays s’est lancé dans le déconfinement. Progressivement et par paliers, en veillant toujours au respect de certaines mesures de sécurité (distanciation sociale, masque, bulle de quatre personnes), les Belges ont commencé à sortir de leur isolement. Timidement pour certains et avec entrain pour d’autres. Le masque, cet outil nécessaire en temps de crise, ce bout de tissu si petit et tellement utile, a débarqué en force, nous ouvrant les yeux sur sa dimension contraignante. Aujourd’hui, bien conscients de sa valeur et de son potentiel, nous devons aborder le quotidien, cette nouvelle réalité qui se dessine, le visage à moitié caché. Du menton jusqu’au-dessous des yeux, nous voilà privés d’identité. Perdus dans le brouillard de l’uniformisation, nous tendons à ressembler à tout le monde…
Le psychologue, psychothérapeute mais également docteur en psychologie et maitre de conférences à l’ULiège, Jérôme Englebert nous éclaire dans La Libre en indiquant que "Le visage est un objet tout à fait unique dans l’histoire de l’humanité, c’est-à-dire que c’est la partie de notre corps qui, à la fois, nous définit le plus aux yeux des autres et est celle qui nous appartient le moins. Nous avons ce paradoxe que, chacun, nous ne voyons pas notre propre visage. Nous sommes donc condamnés à voir les autres objectiver notre propre visage et, au fond, à n’avoir comme vraie connaissance des visages que ceux de nos proches et des autres." La question de l’identité prend alors tout son sens. Tandis que nous sommes voués à une indifférenciation masquée, qu’en est-il de nos échanges, de nos relations avec les autres ? Notre vie sociale n’est plus la même, nous maintenons la distance et ce pour une durée que nous ignorons encore. Par extension, nos rencontres amoureuses risquent, elles aussi, d’être complètement chamboulées. Marie Tapernoux, sexologue, se veut rassurante en expliquant que le masque n’a pas d’effet négatif sur la parole, il ne l’empêche pas. Si le langage non-verbal bute sur un décryptage plus compliqué, il nous reste néanmoins d’autres pistes à explorer. Les jeux de regard et le sens de l’humour forment désormais nos atouts principaux en matière de séduction. « Cette période est aussi l’occasion de faire des rencontres en dehors des schémas classiques (bars, restos…), en aidant par exemple un(e) voisin(e) à faire des courses, etc. » poursuit Marie Tapernoux dans La Libre.
Si le monde virtuel permet la rencontre amoureuse en période de pandémie, si les échanges en ligne sont plus sincères qu’avant, il n’en demeure pas moins que la distance représente un frein. L’humain a profondément besoin de contacts et d’amour. Comme le précise Jérôme Englebert, « C’est une question de survie de l’espèce humaine : les êtres humains ont besoin d’entrer en relation entre eux, de tomber amoureux, de pouvoir s’embrasser, d’avoir des relations sexuelles… Or, à l’heure actuelle, c’est interdit. Évidemment, c’est tenable pendant quelque temps mais, à un moment donné, il va falloir nous permettre de revivre ces éléments-là. ».
Alors, sommes-nous prêts à rencontrer le grand amour, visages masqués mais armés d’humour ? Telle est la question…
(Anne-Sophie Debauche - Source : La Libre - Illustration : Pixabay - StockSnap)