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La justice belge est pourrie (littéralement)

Les échafaudages du palais de Justice de Bruxelles, vieux de 40 ans, sont symptomatiques de l’état de décomposition de cette institution. Des événements récents à Nivelles et Mons ne rassurent guère sur le délabrement généralisé.

Sidérant ! Le 4 septembre 2024, la cour d’assises du Hainaut, en Belgique, a dû annuler un procès d’un « most wanted » pour irrecevabilité. La raison évoquée par le président de la cour, Philippe Morandini, est « les conditions de conservation lamentables du dossier répressif et de procédure ». Le magistrat n’hésite pas à parler de « défaillance de l’État belge ». L’accusé Nicolas Theodorou avait été condamné par défaut le 27 octobre 2005 à 25 ans de prison pour une double tentative d’assassinat en 2019. 

Irrecevabilité

L’accusé avait fui en Grèce et avait été arrêté en juin 2022 avant d’être extradé. L’homme ayant fait opposition le 22 juillet 2022. Dès lors, un nouveau procès devait être tenu 19 ans après les faits. Or, depuis, des témoins sont décédés, de même que certains enquêteurs. Et puis, surtout, de nombreuses pièces sont devenues illisibles ou inexploitables à cause des conditions de stockage. Ce qui rend impossible la tenue d’un procès équitable. La cour d’assises de Mons a donc jugé les poursuites irrecevables. Néanmoins, le prévenu n’est pas officiellement « acquitté ».

Panne de greffiers

Le lendemain, le 5 septembre 2024, dans un autre palais de justice du pays, à Nivelles, le tribunal correctionnel a dû annuler toutes les affaires de la 3e chambre correctionnelle. Pourquoi ? Un déficit de greffier : il n’y avait que la greffière en chef et une greffière envoyée en urgence du tribunal civil. Et les autres ? Ils étaient en congé, en maladie ou pour l'un d'eux, victime d’une chute d’escalier. Et ce n'est même pas drôle autant de malchance.

Tout moisi

Cette affaire d'absence de greffe a fait remonter le courroux des magistrats nivellois. Le 6 septembre 2024, ils ont transmis à la presse un document de 28 pages. Il reprend notamment un rapport d’insalubrité déposé le 4 juin par le conseiller en prévention du Brabant wallon (la province où se situe Nivelles). Sa conclusion est ahurissante : « la situation est désastreuse. Je conseille de fermer ce bâtiment à la sécurité et à la salubrité plus que douteuses ». Pourtant le palais est toujours bien ouvert, malgré « des champignons, des moisissures, du pourrissement dans les sous-sols, des odeurs incommodantes ». Et toujours pas de greffiers en vue, avec, cette fois, des reports pour plusieurs semaines !

Généralisé

Partout en Belgique, avocats et magistrats se plaignent de l’état des bâtiments judiciaires, des conditions de travail et de stockage dans les palais de justice. Sans parler de la lenteur dans le traitement et le jugement des affaires. Cela ne rend service ni aux prévenus ni aux victimes ni à la société civile. C’est un dysfonctionnement grave des institutions. Et pour en rajouter une couche, certaines nominations se heurtent parfois à des exigences linguistiques ou politiques n’arrangeant guère le manque de personnel. Ne parlons même pas du financement. La justice belge va mal, et c’est très grave dans une démocratie. Laquelle ne semble pas avoir tiré la leçon de l'affaire Dutroux ou des - jamais formellement identifiés - Tueurs du Brabant wallon.

(Olivier Duquesne – Source : DHNet.be – Picture : © picture alliance / AA | Dursun Aydemir)

Olivier Duquesne

Olivier Duquesne

Journaliste FR @ Tagtik - Rubriques auto et mobilité

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