Le scandale de l'éclairage public nocturne en Belgique
Grâce aux quelques 22 millions de lampadaires qui illuminent nos rues, routes et autoroutes, notre pays, une fois la nuit tombée, est l'une des parties du globe les plus aisément identifiables depuis l'espace.
Dès que l'on évoque la problématique de l'éclairage public, on nous sert inévitablement le couplet de la sécurité. Mais est-ce la principale et véritable raison de la générosité de l'éclairage belge? C'est la question que s'est posée le New York Times: pourquoi les Belges sont-ils les champions de la pollution lumineuse?
Selon le célèbre quotidien américain, qui cite plusieurs hommes politiques et spécialistes belges, cette politique en matière d'éclairage public serait une affaire de gros sous, révèle 7sur7.
Selon Peter Reekmans, bourgmestre de la commune de Glabbeek depuis 2014 (Brabant flamand), l'éclairage public profite directement aux fournisseurs et distributeurs d'énergie, ainsi qu'à l'Etat belge. En effet, les bénéfices réalisés par les différents distributeurs d'énergie sont répartis sous forme de jetons de présence aux administrateurs communaux. Un système "avec conflits d'intérêts intégrés" qui "rend la profession de politicien en Belgique très lucrative", dénonce le bourgmestre au New York Times, qui s'étonne de la forte présence politique au sein des entreprises d'utilité publique.
"Avec sept gouvernements, six parlements, dix gouvernements provinciaux, 589 communes et des centaines d'entreprises d'utilité publique, l'Etat est à ce point complexe que de nombreuses structures gouvernementales pour le moins louches sont restées dans l'ombre durant plusieurs années", commente Peter Reekmans.
Eric De Keuleneer, professeur à la Solvay Brussels School et expert du marché de l'électricité en Belgique confirme ces allégations au quotidien américain: "De nombreuses personnes travaillant pour des sociétés de distribution, et même pour les régulateurs belges de l'énergie, travaillaient auparavant pour Electrabel, et vice versa". Une double casquette que le New York Times éclaire en prenant l'exemple de Koen Kennis (N-VA), échevin anversois de la Mobilité et des Finances. A Anvers, 95% des lampadaires restent allumés pendant la nuit. La ville achète son électricité à Electrabel, Eandis se chargeant ensuite de la distribuer. Au sein du conseil d'administration d'Eandis, on retrouve justement Koen Kennis.
Les journalistes américains pointent également du doigt le coût particulièrement élevé de l'électricité en Belgique. Depuis 2010, la facture des ménages a augmenté de 40% et se chiffre en moyenne à 900 euros annuels par famille. Une hausse deux fois plus importante que dans le reste de l'Europe.
L'enquête du New york Times met aussi en exergue la position dominante d'Electrabel sur le marché belge. En effet, Electrabel reste le seul producteur nucléaire belge et le principal fournisseur d'énergie. Un quasi-monopole qui expliquerait pourquoi les Belges paient si cher leur électricité.
Mais Electrabel ne serait pas le seul à remplir joyeusement ses caisses: les autres distributeurs et les politiciens en profitent également. Pour Michel Vercaempst, qui a travaillé pour Electrabel ainsi que pour le gouvernement, le calcul est simple: sur la facture énergétique d'un ménage belge, un tiers va aux sociétés de distribution, un tiers aux producteurs et un tiers à l'État. La marge bénéficiaire de ces acteurs est importante, dénonce encore Michel Vercaempst. Elle peut aller jusqu'à 12%, soit le double de la France, qui a pourtant un système similaire au nôtre.
Malgré ces révélations, la problématique de l'éclairage public nocturne intensif ne semble pas provoquer de vagues en Belgique. Koen Kennis explique que les gens s'y sont tout simplement habitués. Pourtant, selon lui, "un simple coup de fil à Eandis et ils peuvent tout éteindre à l'aide d'un interrupteur mais cela représenterait un énorme manque à gagner pour les principaux acteurs", conclut-il.
(FvE - Source: 7sur7 - Illustration Picture: Twitter)
L’Europe aussi offre de belles aurores boréales, du - au N. Au 1er plan #Berlin & derrière la Belgique se distingue comme toujours nettement pic.twitter.com/Hgef0Q4ikT
— Thomas Pesquet (@Thom_astro) 9 mai 2017