Société

Le monde des fleurs et des saules, appellation poétique de l’univers des geishas, ne sera plus accessible à partir du mois d’avril dans le célèbre quartier de Gion à Kyoto. C’est une décision des autorités de la ville poussées par les demandes répétées des résidents de ce quartier qui se plaignent depuis des années des nuisances causées par les touristes.

Les rues privées de Gion seront désormais signalées par un panneau en japonais et en anglais disant : "ceci est une rue privée, vous n’êtes pas autorisé à y circuler". La sanction est une amende de 10.000 yens (62 euros).

Même si le tourisme s’est complètement arrêté au Japon pendant plus de deux ans en raison du Corona, il a repris en force en 2023 avec 22 millions de visiteurs. En 2024, le Japon devrait largement dépasser ce chiffre et approcher le record de 2019 qui était de 31 millions de touristes.

Kyoto est la destination principale avec Tokyo, les temples, les quartiers traditionnels de l’ancienne capitale impériale ont un charme incroyable ; il est très facile de croire à certains moments, dans certains endroits, que le temps s’est arrêté. Malheureusement, le tourisme de masse ruine cette atmosphère et le comportement des étrangers en balade manque très souvent de respect dans ce pays où il est tellement important.

Les geishas, appelées geiko à Kyoto, et leurs apprenties les maikos sont en permanence harcelées par des nuées de photographes qui guettent leur sortie des lieux où elles mangent et ou elles travaillent. Il est impossible pour elles de marcher dans les rues sans être interpellées, photographiées, suivies.

Le mot geisha signifie littéralement "personne de l’art", c’est une profession qui est apparue au début du 18e siècle au Japon et qui à l’origine était pratiquée par des hommes déguisés en femmes. Leur rôle était de distraire les clients des maisons de plaisir en chantant, en dansant ou en jouant de la musique.

Les geishas ne sont pas des prostituées, ce sont les militaires américains qui ont véhiculé cette contre-vérité après la deuxième guerre mondiale lors de l’occupation du Japon. Poussées par la misère extrême de l’après-guerre de nombreuses femmes japonaises se vendaient aux soldats en se prétendant geishas ce qui était faux. Le film de Shohei Imamura Cochons et Cuirassés (Buta to gunkan, 1961) décrit très bien cette période.

Cette réputation sulfureuse des geishas fait partie des fantasmes touristiques liés au Japon. Pourtant leur kimono, leur coiffure, leur maquillage font de ces femmes de véritables œuvres d’art dotées en outre d’une intelligence, d’une culture et de qualités artistiques hors du commun.

Ce qu’elles demandent, ce que leur entourage et les autorités de la ville de Kyoto demandent c’est qu’on les respecte en les laissant vivre leur vie en dehors de notre modernité. Elles ne sont pas des attractions mais des femmes qui vivent dans le monde des fleurs et des saules. Il n’est pas nécessaire de les voir, il suffit de savoir qu’elles existent.

Kore-Eda Hirokazu à réalisé une très belle série sur ce monde particulier, "Makanai dans la cuisine des maikos", elle est sortie en 2023.

Le youtubeur Ichiban Japan (Japon numéro un) a aussi réalisé un magnifique reportage en français sur la journée type d’une maison de geisha à Kyoto. Grâce à sa connaissance du Japon et au respect qu’il montre pour ses habitants il a réussi une immersion absolument unique dans ce monde tellement secret. Idéal pour tout savoir sur le monde des fleurs et des saules.

(MYukio/Source: Asahi Shimbun/Photo: Jay/Unsplash)