Contador est méconnaissable
Le doute commencerait-il à s'immiscer dans le cerveau de Contador, d'habitude imperméable à la gamberge ? 75e du général après deux étapes, déjà rejeté à 1'38'' d'Andy Schleck son premier rival supposé, l'Espagnol a lâché hier quelques phrases qui en disent peut-être long sur un début de résignation. "Mes rivaux sont devant moi au général et je ne suis peut-être plus le grand favori pour le classement général", a-t-il admis. Jusque là, rien de bien anormal. Juste une façon d'évacuer la pression et de la rejeter sur ses adversaires, pour mieux se faire oublier. Mais le moral (ou faut-il écrire l'orgueil?) du champion semble touché, au sortir d'un Giro qui a sans doute usé ses capacités de résistance morale et physique. Rongé par la bordée d sifflets qui a salué son nom lors de la présentation du Tour au Puy-du-Fou, Contador a reconnu qu'il avait été marqué. "C'est dur d'être moi", a-t-il mystérieusement confié hier dans Stade 2. Et son attitude intrigue. Cyrille Guimard, grand connaisseur du vélo et réputé pour être un fin psychologue a trouvé Contador méconnaissable dans la première étape. "Quand on est vainqueur sortant du Tour, on sait que sur ce type de final il peut y avoir des gamelles, des cassures, que ça risque d'être chaud, alors, même s'il a été victime d'une spectatrice, les autres leaders étaient devant, pas lui. Mais ce qui m'a surpris, c'est qu'il ait abandonné aux Euskaltel le soin de mener la poursuite sans paraître concerné par son retard", explique à L'Equipe Guimard. Qui s'étonne de la passivité du Pistolero sur cette phase de la course. "Il a peut-être laissé filer, considérant que ce n'était pas grave et que tout se jouerait en montagne, mais ce détachement est troublant chez un coureur qui a détruit psychologiquement Armstrong, il y a deux ans, et que l'on sait impavide et privé d'émotion (…)", s'étonne Guimard, devenu consultant pour RMC. "Il est peut-être en train de payer cette charge de stress qu'il subit depuis deux ans, aggravée par ses démêlés procéduriers avec le TAS, par les sifflets des Vendéens. Se sent-il rejeté ? Ça pourrait finir par le détruire. Chaque homme a ses limites sur le plan émotionnel. En tout cas, tout s'est passé comme si, d'un seul coup, toutes ses défenses s'étaient effondrées", observe l'ancien directeur sportif, qui a mené Lucien Van Impe à la victire sur le Tour en 1976. "En tout cas, il m'a paru déconnecté et comme désabusé. Maintenant, soit il se remet à flot, soit il ne finira pas le Tour", poursuit-il. Surpris que Riis et Contador aient un moment envisagé de porter réclamation contre un règlement qu'ils connaissent par coeur, Guimard est persuadé que le leader de la Saxo Bank est à bout. "Tout cela traduit une véritable anxiété, on les sent aux abois.", conclut-il. (LB/Picture : Belga)