Le frère cadet et le père Cadel
A ma gauche, Andy Schleck, 26 ans, le jeune premier du cyclisme, son style fluide, sa facilité en montagne, son tempérament offensif, sa gueule d'ange et sa nonchalance qui confine parfois à l'insouciance. Double dauphin d'Alberto Contador en 2009 et 2010, il est depuis longtemps déjà le successeur désigné du Pistolero dont il a été l'adversaire le plus redoutable et parfois le plus malheureux. Volé d'une victoire qui lui tendait les bras l'an passé sans un incident mécanique dans le Port-de-Balès et victime - quoi qu'on en dise - du manque de fair play de l'Espagnol, une victoire dans ce Tour 2011 serait pour Andy Schleck une délicieuse revanche et une consécration méritée. A ma droite, Cadel Evans, 34 ans, un coureur aussi renfermé que peu élégant, son style volontaire et taciturne, un homme aussi laconique dans la vie que défensif sur le vélo. Deuxième du Tour en 2007 et en 2008, quatrième de l'épreuve en 2004, victime d'une chute en 2010 alors qu'il portait le maillot jaune, l'ancien spécialiste australien du VTT mériterait une victoire dans la Grande Boucle pour l'ensemble de son oeuvre. Andy a encore tout le temps devant lui, Cadel sait que ses jours de champion sont comptés. Andy est une star qui a reçu un don de Mère Nature, Cadel est un obscur qui s'est élévé vers la gloire en travailleur forcené. Ce soir, il n'y aura qu'un seul vainqueur à Grenoble et quoi qu'il arrive le résultat sera, aux yeux de l'histoire, d'une profonde injustice. La cruauté du sport cycliste est telle qu'elle refuse souvent d'accueillir en son panthéon des hommes qui l'auraient cent fois mérité. Entre le frère cadet et le père Cadel, le palmarès de Tour de France choisira son héros sur le coup de 17 h 15. Et sa nouvelle victime. (LB/Picture : Belga)