Les coureurs du Tour, nouveaux animaux de cirque?
Une armada de voitures suiveuses, une noria de motos, des spectateurs qui s'écartent au dernier moment pour prendre la photo qui tue, le chien de Mémé qui traverse sans regarder... Le sport cycliste est déjà dangereux par essence, mais dans un Tour de France surdimensionné, le péril est multiplié par dix. Sous le vrombissement permanent des hélicoptères du direct et avec des oreillettes fichées dans le conduit auditif, Flecha et Hoogerland ont-ils seulement entendu arriver le fou du volant qui les a fauchés comme des quilles de bowling sur la route de Saint-Flour? Pas sûr. Mais la vraie question est ailleurs. Ne serait-il pas temps que la direction du Tour limite drastiquement le nombre de motos et de voitures accréditées sur la course ? Sur les 130 voitures qui zigzaguent au milieu du peloton, combien sont vraiment nécessaires ? "Ce nombre est déterminé selon un critère de sécurité mais aussi suivant des intérêts publicitaires et financiers. Ce n'est pas toujours facile de trouver la limite", reconnaît dans Le Vif Gérard Verbrugge, directeur général adjoint de l'organisation du Tour de Wallonie. Les généreux sponsors de la Grande Boucle, qui enregistrent (c'est prouvé) des retombées déjà phénoménales en parrainant l'épreuve ont-ils vraiment besoin d'emmener des invités VIP dans des voitures au coeur de l'étape ? Est-il vraiment justifié que des agences de voyage (agréées par ASO) proposent des journées où des touristes (de préférence fortunés) peuvent suivre les coureurs dans une voiture officielle du Tour de France ? Est-il nécessaire d'inviter Sheryl Crow, des starlettes de cinéma et des rugbymen à suivre le peloton d'aussi près ? Faut-il vraiment autant de motos transportant des photographes pour alimenter en images la presse internationale ? Les deux accidents enregistrés sur ce Tour auraient pu avoir des conséquences dramatiques pour Nicki Sorensen, traîné par la moto de Getty Images et pour le duo Flecha/Hoogerland, balancés par une bagnole de France Télévisions comme dans une vulgaire course de stock cars. Ces deux incidents suscitent une double interrogation : la multiplication des véhicules dans le peloton n'augmente-t-elle pas proportionnellement le nombre de pilotes et de chauffeurs inexpérimentés, qui ne connaissent ni le cyclisme, ni les réactions des coureurs ? "Je me souviens en 2007, quand j'étais dans une échappée, que les invités étaient extrêmement dangereux. (...) Ces gens n'ont pas l'habitude. Les directeurs sportifs savent conduire comme les voitures neutres, mais les autres pas", explique Philippe Gilbert, rappelant ainsi qu'il fût un temps où tous les conducteurs étaient d'anciens pros. Autre question qui brûle les lèvres de plus d'un amateur : ne serait-il pas temps que les organisateurs mettent un frein à la commercialisation outrancière du Tour, alors que l'inflation des opérations marketing et la recherche de la rentabilité mettent en danger la vie des coureurs ? Passe encore que le Tour soit devenu un grand cirque... Mais quand on relèvera un nouveau cadavre sur la piste aux étoiles, il sera trop tard pour jouer au Monsieur Loyal éploré. (LB/Picture : photo news)