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Des Africains trompés par des Russes en 1re ligne sur le front

Des combattants africains sont présents sur le front en Ukraine. Certains y sont de leur propre volonté. Mais pour d’autres, il y aurait eu duperie. Croyant partir travailler en Russie, ils sont envoyés au combat.

Un témoignage d’un Camerounais met en lumière les méthodes douteuses de certains organismes russes pour trouver des combattants de première ligne en Ukraine. Certes, depuis 2022, Wagner et d’autres sociétés privées ont enrôlé, contre salaire, des Africains volontaires pour se battre en Ukraine. Ceux-là savaient pour quoi ils étaient engagés et les risques qu’ils prendraient. Toutefois, il semble que pour beaucoup d’autres, ce n’était pas du tout le « job » qu’ils attendaient. De plus, selon ce témoignage recueilli par RFI (Radio France Internationale), certains États africains couvriraient ce « trafic d’êtres humains ». Des manigances pour envoyer des hommes sans entraînement militaire pour épuiser les défenses ukrainiennes avant l’envoi de troupes aguerries avec de « vrais » Russes.

L’appât du gain

Un Camerounais témoigne ainsi de son parcours. Après une carrière dans les services publics de son pays, ce laborantin de formation avait trouvé un travail, mal payé, d’installateur de climatiseurs. C’est à ce moment-là qu’il aurait été contacté par un « ami » en mai 2024. Il lui a alors proposé un travail en Russie, pour un salaire de très loin supérieur à celui dans son pays. Il aurait alors été mis en contact avec une agence qui s’est occupée du dossier et des documents administratifs, « sans test de langue ». Accompagné de 4 autres personnes, il est alors parti de Yaoundé vers la Russie, après avoir dû payer des frais de dossier de 3,5 millions de francs CFA (environ 3900 €). Et l’aventure va mal tourner.

Menace dans le dos

La fonction du job décrivait un rôle de concierge responsable de la propreté dans un camp militaire. Au lieu d’un balai et d’un trousseau de clés, c’est une Kalachnikov qu’il aura entre les mains. Une fois en Russie, il est intégré dans un groupe avec d’autres Africains. Il doit alors suivre quelques semaines de formation pour partir au front ! Il se rend alors compte que les contrats sont bidon. Tout comme le montant du salaire. Pour se sortir de là, il prendra contact, selon ses dires, avec son ambassade qui niera la présence de Camerounais au front. Une trahison à ses yeux de voir son pays « couvrir » un tel « trafic d’êtres humains ». D’autant que la situation en première ligne est doublement dangereuse. Outre la défense ukrainienne, il est confronté aux troupes russes prêtes à tuer ou à torturer les déserteurs et ceux qui reculent.

Chair à canon

Ce Camerounais évoque clairement une stratégie d’épuisement des Ukrainiens en envoyant des milliers d’hommes d’Afrique et d’Asie en uniformes russes face au danger. Il explique notamment qu’il a dû se lancer face à l’armée ukrainienne, invisible, car retranchée, en piétinant de nombreux cadavres en décomposition. Outre la mort, la seule issue est d’être fait prisonnier ou de se blesser, parfois volontairement. Dans ce dernier cas, ce ne sera qu’un court répit à l’hôpital avant d’être à nouveau envoyé dans l’enfer de la guerre. D’autant qu’il explique que contrairement aux troupes avec des Russes de naissance, ses compagnons et lui ne pouvaient pas bénéficier des outils de brouillage des drones ukrainiens. « Nous, on est très mal équipés. [Les Russes] nous envoient sans rien du tout nous battre et mourir ».

Plusieurs nationalités

Ce témoin dit avoir rencontré d’autres Camerounais, dont certains sont déjà morts depuis, des Maliens, des Gambiens, des Égyptiens et des Nord-Africains. Certains étaient de vrais volontaires pour la guerre, d’autres ont été manipulés. Plusieurs rapports ukrainiens et indépendants évoquent la présence, en dehors des Nord-Coréens et des nationalités déjà évoquées ci-dessus, de Népalais, de Burundais, de Somaliens, de Rwandais, de Sierra-Léonais et d’Ougandais. Il y a aussi eu des Indiens, mais la diplomatie de New Delhi avait publiquement dénoncé la tromperie et obtenu le rapatriement de 45 ressortissants. Le témoin camerounais a également indiqué que dans le groupe de 5 qui avait pris le même avion que lui, 3 ont déjà été tués. Pourtant, l’agence de recrutement leur avait souhaité « bon voyage » avec une jolie banderole…

(Olivier Duquesne – Source : RFI (Radio France Internationale) – Picture : © picture alliance / Anadolu | Jose Colon)

Olivier Duquesne

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Journaliste FR @ Tagtik - Rubriques auto et mobilité

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