En 2025 : il faudra attendre avant de mettre son pyjama à Bruxelles
Opinion – La voiture électrique, c’est facile à charger quand on a une borne à domicile. C’est plus compliqué quand on dépend des prises publiques en voirie. Bruxelles veut encore corser le challenge dès 2025.
Un nouveau type d’exercice va-t-il voir le jour ? Celui de promener son auto avant de faire dodo ? Sibelga, responsable de l’installation et de la gestion des bornes publiques de recharge en Région bruxelloise en Belgique, veut mettre en place un tarif de rotation à partir de 2025, nous apprend la RTBF. Après un certain délai, la gratuité du parking ne sera plus assurée. Il faudra donc payer le branchement, en plus du coût de recharge. Décision pour le moins surprenante ! Tout d’abord parce qu’à du 11 kW (vitesse moyenne en courant alternatif des modèles vendus), il faut souvent plusieurs heures pour recharger suffisamment une batterie entre 40 kWh et 80 kWh. Ensuite parce que les Bruxellois n’ont que rarement le privilège d’une 4 façades, d’une allée privée ou d’un garage. Ceux-là sont tributaires des bornes en voirie pour leur voiture électrique. C’est déjà aléatoire. Et voilà qu’ils devront faire des rotations toutes les x heures pour ne pas exploser le budget de la carte de recharge. Superbe incitant pour la voiture électrique que l’on voudrait obligatoire à Bruxelles en 2035…
2h30 ?
Les motivations de Sibelga, l’organisme en charge de la gestion des réseaux de distribution d'électricité et de gaz naturel pour les 19 communes de la Région de Bruxelles-Capitale, sont d’améliorer l’accessibilité aux bornes. Éviter les voitures ventouses c’est bien. Analyser la cause de ce comportement, ce serait plus intelligent. D’autant qu’un temps de charge a été donné comme exemple par le gestionnaire à la RTBF. Il s’étonne que des voitures chargées après 2h30 (en d'autres termes 25 kWh de charge environ, donc entre 100 et 125 km d’autonomie en moyenne) soient encore connectées. Elles le seraient durant 6h30 en moyenne. Peut-être que la vie des citoyens n’est pas réglée comme du papier à musique ? Et qu’il n’est pas toujours possible de tout faire en 2h30, ou même en 4h. Ni même de prévoir la durée d’un rendez-vous, d’un dîner, d’un spectacle, d’une visite. C’est déjà le problème avec les zones à stationnement à durée limitée (zones bleues). Et puis parfois, on souhaite quitter Bruxelles avec une batterie pleine pour ne pas devoir encore perdre du temps sur une borne rapide en périphérie ou sur l’autoroute.
Sommeil interdit
Que dire de ceux qui rentrent chez eux en fin de journée ? Dans certains quartiers, le parking est payant jusqu’en fin de soirée (21 h). Ils devront donc craindre un paiement supplémentaire pour avoir le malheur de se coucher tôt en laissant leur voiture se recharger. Pour peu que la réglementation les autorise à laisser leur voiture branchée toute la nuit « gratuitement ». Surtout qu’une batterie de 60 kWh aimerait bien avoir une petite nuit pour repartir du bon pied, pleine d’autonomie, le lendemain. Et quand bien même que certains seraient des couche-tard, le pyjama ne pourra peut-être pas s’enfiler avant la rotation après avoir attendu 2h30 à la maison. C’est mieux de rester en tenue de ville pour bouger l’auto après avoir mis le repas de famille, le jeu, le film ou le match de foot en pause. Quel confort !
Transfert de carences
Sibelga – et par corollaire les autorités bruxelloises – fait payer aux citoyens son incapacité à mettre en place une infrastructure suffisamment dense. Il y a en ce début 2025, près de 6800 bornes en région bruxelloise. Pourtant Bruxelles veut interdire l’accès aux véhicules non électriques en 2035. Pour être prête, elle envisage de proposer 22.000 bornes de recharge sur son territoire. Le parc automobile bruxellois est de presque 500.000 voitures. Une bonne partie d’entre elles a certainement un parking privé. Mais le rapport reste ahurissant, d’autant qu’il faut aussi ajouter les visiteurs extérieurs. Étant entendu que tout le monde n’a pas besoin de recharger tous les jours, mais qu’une voiture électrique à moins de 10 % de batterie a quasi impérativement besoin de se brancher, il en faudrait 5 fois plus des bornes ! Avec 100.000 prises, plus besoin de pénalité de non-rotation. C’est là-dessus que les autorités devraient plancher au lieu de trouver une nouvelle forme de redevance. En tout cas, les plans annoncés par Sibelga, même avec la bonne idée d’intégrer des prises sur les poteaux de l’éclairage public, ne suffiront pas quand les voisins et les touristes se disputeront les trop rares prises électriques disponibles. Après la balade du chien (en pyjama ?), il y aura celle à faire pour sa voiture électrique (sans oublier son permis). Des grappes de zombies débranchant la prise et tournant dans un manège stupide en quête de place non connectée avant d’aller se coucher… de plus en plus tard. Bonne soirée à tous !
(Olivier Duquesne – Source : RTBF – Picture : © Olivier Duquesne)