Tagtik

Premiers Lives : à l’école du rock…

  Pierre de Lune et le Botanique s’associent pour inviter des élèves de l'enseignement secondaire au concert. Et c’est pas de la guimauve !


    Dans les années '70 et '80, en Belgique, l’initiation à la musique se limitait souvent à un laborieux apprentissage de la flûte à bec. Quasi uniquement dans les écoles de filles d’ailleurs puisque la mixité faisait encore figure de  concept un peu farfelu. 

    Bien entendu, les Jeunesses Musicales de Belgique existaient déjà depuis l’orée des années '40. Elles ont pour toujours pour but aujourd’hui “d’offrir aux jeunes l’opportunité de s’ouvrir au monde, d’oser la culture et de s'inscrire dans le mouvement citoyen”. Si tous les genres sont abordés, il s’agit souvent d’une porte d’entrée vers la Grande Musique, du classique donc avec parfois quelques effluves de jazz.

   N’oublions pas pour autant quelques initiatives de professeurs isolés, soutenus (ou pas) par leur hiérarchie. Ainsi au Collège Saint-Pierre d’Uccle, au milieu des années '90, un professeur de Latin, féru de Bob Marley et de chanson française autant que de Cicéron ou des guerres Puniques, a convaincu le chanteur franco-espagnol Nilda Fernandez de faire un crochet par sa classe avant un concert à l’Ancienne Belgique. Résultat : un échange à bâtons rompus avec quelques dizaines d’étudiants et une courte prestation acoustique. 

   Quelques années plus tard, Lucie Fauconnier, chanteuse de Lou K, se souvient d’une expérience similaire mais encore plus intense. “Quand j’étais en secondaire, je me suis retrouvée en option anglais. On étudiait le mouvement punk en classe, c'était génial et ça m'a beaucoup nourrie ! On est allé voir une pièce de théâtre musicale de Mathieu Bauer "Please Kill Me" adapté d'un livre d'interviews de pionnier.ères du punk New Yorkais. J'ai adoré ! À cet âge, ça a vraiment cristallisé quelque chose que j'ai eu envie de comprendre et qui m'a passionnée par la suite”.

  On peut d’ailleurs facilement déceler dans l’évolution des influences du trio bruxellois, féminin et féministe, nombre de références aux grandes anciennes des deux côtés de l’Atlantique. De l’Américaine Lydia Lunch aux précurseuses anglaises des Slits. Et bien entendu à Sonic Youth…

Le féminisme reste un combat

  Comment parler de Lou K sans tenter de cerner de leur féminisme ? Il est indéniable que ce sujet leur tient à coeur. Lorsqu’elle a cherché à créer un groupe, Lucie a compris de suite qu’elle voulait s’entourer de femmes. À travers leurs chansons, elles abordent des thèmes tels que le consentement, le droit des femmes de décider pour leur corps, que ce soit à propos de l’avortement ou concernant le genre. 

   "C'est effectivement important a tout âge", nous explique Lucie, "mais surtout a l'adolescence ou notre notion du corps évolue. On parle de consentement, de respect... et on fait ça grâce à nos mosh pits ! C'est un endroit où la bienveillance est ultra importante pour passer un bon moment. On parle de dépression et de l'importance de s’exprimer quand on va mal. Il y a beaucoup de rage dans nos chansons et beaucoup de réconfort aussi" ajoute-t-elle encore.

    Lou K en a d’ailleurs parlé au jeune public qui était présent au Botanique, trouvant qu'il est important de le sensibiliser à ces thématiques malgré leur âge. Elles ont d’ailleurs également mis les filles à l’honneur, en leur dédiant une chanson à la fin de la représentation et en leur demandant de s’avancer devant la scène. On ressent que cette envie qu’elles ont de donner de la force aux femmes s’étend au-delà de leur art et fait partie intégrante de leurs valeurs dans la vie.  

© Music Belgium Photos

Des mots pour un concert

  Etudiante en communication à l’IHECS, Larisa Lungu m’accompagnait. Je lui ai aussi demandé de discuter avec quelques élèves présents afin de  mieux appréhender leurs goûts musicaux mais aussi sa propre opinion sur un groupe qu’elle-même découvrait sur scène.  

  "Quand j’ai écouté leur musique pour la première fois avant le concert, ça ne m’a pas plus touchée que ça. Je trouvais ça sympa, le choix des thèmes abordés était intéressant, mais pour moi, ça ne se démarquait pas particulièrement des autres morceaux punk que j’ai pu écouter. En assistant au concert, en revanche, mon avis a un peu évolué. La musique était beaucoup plus prenante en live et l’énergie qu’elles transmettent était assez touchante. On sentait que qu'elles avaient à coeur de partager leur musique et leurs opinions avec le public. Il y avait des changements d’instruments et de la variété dans leur proposition musicale, ce qui captait bien l’attention du public, qui rappelons-le, n’avait pas tellement l’habitude d’écouter ce genre musical. Notons pour finir, que la scénographie était plutôt intéressante, elle offrait une expérience immersive dans leur réalité. Les lumières servaient d’appui pour les émotions proposées par la musique. C’est un groupe qui, pour moi, a de l’avenir. Peut-être qu’en approfondissant les textes, qui parfois manquent un peu de complexité, elles arriveront à se faire connaître à plus grande échelle."

© Music Belgium Photos

Tout pour la musique

À la fin du concert, nous avons pu échanger quelques mots avec quelques élèves présents afin de mieux cerner leur ressenti et découvrir leurs musiques préférées. Toni assistait pour la première fois à un concert. Ayant l’habitude d’écouter du métal, il nous a confié avoir aimé ce que proposait Lou K.

Makedonka quant à elle, a plutôt l'habitude d’écouter des artistes tels que Lana Del Rey, et pourtant, elle a été agréablement surprise en découvrant ce style dont elle ignorait tout. Pour finir, Anastasia, qui était plus habituée aux concerts que ses camarades, affirme qu’elle préfère tout de même la musique anglophone, en tant que grande fan de Playboy Carti. 
 

  Avec fraîcheur et enthousiasme, sans nécessairement respecter les codes, tous ont apprécié cette sortie scolaire inhabituelle. L’expérience de ce "premier live" (au sens littéral pour la plupart d’entre-eux) leur donnera sans doute l’envie de prendre à nouveau le chemin du Botanique, un centre culturel qui propose une programmation foisonnante, des artistes locaux et d’innombrables découvertes dans tous les genres musicaux possibles et imaginables mais également une politique tarifaire désireuse d’offrir la culture au plus grand nombre. 

(Larisa Lungu avec AK - Photo : © Music Belgium Photos)

Photo : Lou K sur la scène de la Rotonde du Botanique à Bruxelles dans le cadre du projet Premiers Live le 27 novembre 2024

© Music Belgium Photos

 

AK

AK

Journaliste @tagtik FR - Music, cullture, festivals

Pour aller plus loin