Une minute de silence controversée pour un négationniste
Faut-il rendre hommage par une minute de silence dans une assemblée représentative de la démocratie à un personnage d’extrême droite ayant minimisé l’Holocauste ? La question est ouverte en Flandre.
A-t-on les héros qu’on mérite ? Et le pardon peut-il aller jusqu’à effacer les pires ignominies ? L’acte qu’a posé le parlement flamand, en Belgique, interroge. Il est pour le moins controversé. L’assemblée parlementaire, en principe garant de démocratie et des droits de l’homme, a observé une minute de silence en mémoire de Roeland Raes, ex-vice-président du parti raciste et indépendantiste Vlaams Blok, ancêtre de l’actuel parti nationaliste Vlaams Belang. Il a aussi été parmi les fondateurs du Voorpost, organisation radicale toujours active. Beau pedigree. Décédé en novembre 2024, ce politicien d’extrême droite avait plusieurs fois tenu des propos remettant en cause le nombre de victimes dans les camps nazis et le génocide de l’Holocauste. Il fut même condamné en 2008 pour négationnisme suite à une interview télévisée en 2001.
Symbole
Lors de ce passage télé, ce personnage avait notamment émis des doutes sur l’authenticité des faits du journal intime d’Anne Frank. Il avait remis en question l’origine du témoignage de cette jeune juive cachée dans l’annexe d’une entreprise à Amsterdam avant d’être arrêtée, sur dénonciation, durant l’été 1944. Elle mourra de froid, affaiblie par le typhus et la malnutrition en février ou mars 1945 à Bergen-Belsen, quelques semaines avant la libération du camp par les troupes britanniques. Le Journal d’Anne Frank est l’un des livres les plus lus dans le monde et considéré par les historiens comme un témoignage direct incontestable de la vie d’une adolescente juive entre 1942 et 1944 durant l’occupation aux Pays-Bas. L’annexe peut toujours se visiter, grâce au travail de mémoire qu’avait entrepris son père, seul survivant après-guerre de la famille.
Mémoire salie
En rendant hommage à M. Raes, les députés flamands ont-ils (involontairement ?) sali l’image d’une icône populaire – Anne Frank – victime de la barbarie ? En tout cas, ils ont choisi de se recueillir pour un ancien membre (éphémère) de leur assemblée qui revendiquait sans vergogne ses idées nauséabondes. Il a été vu de nombreuses fois en présence de collaborateurs avérés. Il était même la personne de contact pour les Flamands exilés en Argentine après la guerre ! Il était aussi opposé à l’euthanasie. Un geste qu’il a fini par demander à 90 ans pour se soulager des souffrances liées à sa maladie. Faites ce que je dis, mais pas…
Espoir
Heureusement, plusieurs députés flamands ont eu la décence de quitter l’hémicycle avant la minute de silence. Ils représentaient Groen (parti écologique), le PVDA (parti communiste) et Vooruit (parti socialiste). Les autres, dont forcément le Vlaams Belang, se sont peu souciés de l’histoire du défunt pour suivre les demandes de sa famille en laissant le silence étouffer leur assemblée. Alors même que le 27 janvier prochain, on commémorera les 80 ans de la libération d’Auschwitz par l’Armée rouge…
(Olivier Duquesne – Source : De Morgen – Picture : © picture alliance / Bildagentur-online | UIG)