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"Quand j'entends parler russe, j'ai envie de vomir"

Dans un récent article du journal Le Monde, un phénomène de basculement, qualifié d’acte de résistance, a été mis en lumière : depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, des milliers d’Ukrainiens ont décidé de lâcher le russe, trop associé à la guerre et à ses crimes, et de suivre des cours d’ukrainien.

La population ukrainienne, à la suite de la chute de l’Union soviétique et de l’indépendance de l’Ukraine en 1991, s'exprimait dans les deux langues sans que cela ne soit considéré comme un problème. “En 2014, l’annexion de la Crimée et la guerre dans le Donbass ont marqué une première rupture : une partie de la population est passée à l’ukrainien par patriotisme, mais elle restait marginale.” souligne Le Monde. Depuis l’invasion russe en février 2022, la nation ukrainienne s’est consolidée entraînant une rupture avec la Russie et notamment avec sa langue. Alors que le russe était jugé comme prestigieux et que l’ukrainien était plutôt “éteint” et considéré comme un dialecte rural, la tendance s’est aujourd’hui inversée ; la langue officielle retrouve son éclat. A l’école par exemple, les cours sont donnés en ukrainien exclusivement. 

Pour aider les personnes qui le souhaitent à apprendre l’ukrainien ou à le perfectionner, le mouvement Yedyni (club de langue) a été créé en février 2022. Le Monde est entré en immersion dans une classe, à Kiev, et a fait un petit tour d'horizon des raisons pour lesquelles les participants désiraient abandonner le russe. L’une explique : “J’ai toujours parlé russe avant l’invasion. Mais comme les Russes disent qu’ils sont venus ici pour sauver les russophones, j’ai décidé de passer à l’ukrainien. Comme ça, je ne leur laisserai plus ce prétexte.” Une autre poursuit : “Je viens de Bakhmout. Je veux me débarrasser du russe. Hélas, à Kiev, j’entends encore beaucoup de gens le parler, ça me déprime !”. 

Plus loin dans la discussion, un homme de 47 ans, ne mâche pas ses mots et raconte à quel point le russe lui inspire désormais un rejet épidermique : “Quand j’entends parler russe, aujourd’hui, ça me donne envie de vomir, c’est physiologique”. Il ajoute, la colère dans la voix : “j’ai grandi dans un environnement totalement russophone. Mais puisque la Russie considère tous ceux qui parlent russe comme des Russes, alors qu’elle aille se faire f…..! Je choisis mon camp, pas celui de ces barbares.”

Pour une grande partie du peuple ukrainien, il arrivera un temps où plus personne ne parlera russe sur le territoire. Le Monde, dans son article, cite Ivanna Arestanova, la professeure du club de langue, et met en avant son avis moins tranché. “Tout dépend de la façon dont cette guerre va se terminer, estime la jeune femme. C’est toujours le vainqueur qui écrit l’histoire. En cas de défaite de l’Ukraine, elle pourrait de nouveau s’écrire en russe…”



(AsD - Source : Le Monde - Illustration : Unsplash)

 

AsD

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Journaliste FR @Tagtik - Rubriques Consommation et Société

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