Étouffé par les sanctions, Poutine ne sait plus quoi faire de son gaz
Le 31 décembre 2024, l’Ukraine mettait fin au transit de gaz russe vers l’Europe via son territoire. De quoi sérieusement atteindre le géant étatique russe Gazprom.
Michael Bradshaw, professeur d'énergie mondiale à l'université de Warwick (Angleterre), et Steve Pye, professeur de systèmes énergétiques à l'University College de Londres, font le point sur cette situation dans un entretien accordé au média en ligne The Conversation.
“Jusqu'à présent, l'Union européenne (UE) n'a pas encore imposé de sanctions sur les importations de gaz russe, mais elle a sanctionné le projet Arctic GNL 2 et le transport maritime associé” soulignent les deux chercheurs britanniques. “Et elle a interdit le rechargement de gaz naturel liquéfié (GNL) russe dans les ports de l'UE. La réduction rapide des exportations par gazoduc vers l'Europe est le résultat des actions russes, comme l'insistance sur le paiement en roubles, ainsi que le sabotage des gazoducs Nord Stream.”
Le 4 janvier, Michael Bradshaw, Steve Pye et plusieurs autres collègues ont publié une étude dans Nature Communications, celle-ci détaille deux possibles scénarios géopolitiques futurs, concernant ces exportations de gaz russe, indique le média Korii. Dans le premier scénario, intitulé «débouchés limités» (ou «limited markets» en anglais), l’Union européenne stopperait les importations de gaz russe d’ici à 2027, et tous les autres débouchés seraient perturbés par des sanctions sur le GNL russe. Cette projection serait également marquée par l’absence de construction de gazoducs. Un scénario probable si la Russie et la Chine ne parvenaient pas à se mettre d’accord sur la construction du gazoduc Power of Siberia 2.
Dans un second scénario, nommé «pivot vers l'Asie», Vladimir Poutine et Xi Jinping trouveraient un accord sur le projet Power of Siberia 2 et Moscou réussirait à accélérer ses exportations sous la forme de gaz naturel liquéfié, précise Korii. Dans ce cas de figure, la Russie continuerait d’approvisionner l’Europe par le gazoduc TurkStream (passant par la mer Noire), et l’UE autoriserait les importations de gaz russe. Ce à quoi ressemble la situation actuelle.
“Dans l'ensemble, la Russie aura du mal à retrouver les niveaux d'exportation de gaz d'avant-crise”, estiment les chercheurs britanniques. “Par rapport à 2020, les exportations de gaz de la Russie auront chuté de 31% à 47% d'ici à 2040, dans le cadre du scénario «débouchés limités», et de 13% à 38% dans le cadre de la stratégie «pivot vers l'Asie»”. Et la Chine ne pourra pas tout compenser.
“L'UE va-t-elle tenir bon et renoncer à toute importation de gaz russe d'ici à 2027, ou bien la fin de la guerre en Ukraine pourrait-elle entraîner un revirement radical ? La Russie pourra-t-elle trouver de nouvelles voies d'exportation et de nouveaux marchés pour ses énormes réserves de gaz?”, Michael Bradshaw et Steve Pye s’interrogent.
(Manon Pierre - Source : Korii - Illustration : Pixabay)