Née un 21 novembre : Björk, l’Islandaise au tempérament volcanique
Pour la plupart d’entre-nous et sans aucun dénigrement de notre part, le nom de famille -Guðmundsdóttir- de la chanteuse née en 1965 à Reykjavik s’éternue plutôt qu’il ne se prononce…
Pour le monde entier, l’elfe des Sugarcubes, son premier groupe en 1988, se présente juste sous son prénom. Et dans l’industrie musicale, personne d’autre ne s’appelle Björk. Après leur séparation en 1991, la chanteuse se lance dans une carrière solo qui deviendra de plus en plus exigeante.Avec "Fossora", sa dernière collection de chansons en 2022, laissait déjà la part belle aux expérimentations parfois ardues. Ses dernières collaboration avec Dirty Projectors l’année dernière pousse le curseur encore plus loin. Si on ne trouve plus à son répertoire de refrains comme "Human Behaviour", "Army Of Me" ou "It’s Oh So Quiet", la voix de la chanteuse reste toujours aussi unique voire même fascinante.
Artiste polymorphe, Björk s’est toujours intéressée à différentes formes d’expressions. Apportant un soin particulier à son image, depuis son métamorphose en mannequin pour un défilé de Jean-Paul Gaultier en 1994, elle a noué d’étroites relations avec certains créateurs pointus comme Manish Arora, Alander McQueen ou la Hollandaise Iris Van Herpen. Pas de juteux contrat promotionnel pour les grands noms du luxe mais un véritable coup de pouce aux jeunes pousses. C’est tout à son honneur…
Suite à quelques tumultueuses rencontres avec des paparazzis indélicats et quelques coups échangés, à Bangkok et en Nouvelle-Zélande, la chanteuse fuit les objectifs et on peut la comprendre.
FLASH BACK
Dans mes archives, j’ai retrouvé cet article publié en décembre 1993 dans les pages de l’hebdomadaire « La Cité » quelques jours après son premier concert en Belgique
Pendant quelques années, les Sugarcubes ont éclaboussé la tranquille pop européenne de leurs refrains déjantés. Survolées par les piaillements suraigus de Björk Gundminsdottir, un petit bout de femme haute comme trois pommes, leurs chansons irritaient ou fascinaient. Pas de demi-mesure. "Nous n'avons jamais été un véritable groupe" se souvient Björk. "Pour tuer le temps pendant les dimanches, nous nous sommes mis à jouer de la musique avec une bande d'amis".
Avec une mauvaise foi charmante, la gamine oublie volontiers que son paternel désertait souvent la maison familiale pour réchauffer les glaciales nuits de Reykjavik avec ses potes musiciens. Poussée sur scène à l’âge où ses copines coiffaient encore leurs Barbies, Björk enregistre même son premier album Ö l’âge de onze ans. C’était, ironie du sort, en 1977 au moment-même où les punks envahissaient la Grande-Bretagne...
DU PUNK A LA POP
Logiquement, les premiers émois musicaux de la donzelle sont provoqués par les crêtes raides de bière des Sex Pistols et, peut-être aussi, leurs rengaines tonitruantes. Avant même de former les Sugarcubes, avec la bénédiction de Jaz Coleman et Youth (Killing Joke), elle commet une poignée de disques extrêmement turbulents pour le label Crass, refuge des derniers braillards vaguement anarchistes.
Avec un sens de l’équilibre parfois discutable, les Sugarcubes s'employèrent pendant cinq ans environ à marier leurs insatiables désirs d'expérimentations bizarroïdes et une écriture résolument accessible. Non contents de semer la zizanie en Europe avec leurs disques volontairement déroutants, "Life's Too Good" en 88 et "Here Today, Tomorrow, Next Week" l'année suivante, ils font d'emblée profiter leurs compatriotes de leur renommée toute fraîche. Les Sugarcubes montent une organisation jumelant une associant une radio, une galerie d'art, une librairie et un label sous l'appelation sans appel de Bad Taste !
FAUX DEBUT
Alors que les Sugarcubes se dissolvaient peu à peu dans leurs propres délires, Bjôrk envisageait déjà de nouvelles collaborations. Assagie ou, plus exactement, dévoilant enfin sa véritable personnalité, elle ravive la flamme de contines islandaises des fifties A la sauce jazzy pour un album intitulé "Gling Glo" avant d'offrir ses servives à 808 State pour le morceau "Oops".
Imperceptiblement, elle souligne son intérêt naissant pour le jazz ("Like Someone In Love"), la dance ("Crying" et "Big Time Sensuality") et les tripatouillages étranges ("There's More To Life Than This"). Sur ce faux "Debut" extrêmement prometteur, Björk explore d'ailleurs les deux voies en compagnie du producteur de Soul II Soul Nellee Hooper et continue son petit bonhomme de chemin en nous assäéant un inédit de derrière les fagots illustrant à sa manière "The Young Americans", un film anglais qui n'a toujours trouvé aucun distributeur chez nous. Björk vient de mettre Bruxelles à genoux, il faut désormais compter avec elle...
(AK - Photo : © Etienne Tordoir)
Photo : Björk sur la scène du festival de Werchter le 7 (Belgique) le juillet 1996